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28 juillet 2009 2 28 /07 /juillet /2009 17:52

 







COURMAYEUR
          


                                                                                     CHAMPEX



                                                       

                                                                                                                                                       CHAMONIX

         


THE NORTH FACE ULTRA-TRAIL DU MONT-BLANC (www.ultratrailmb.com)
CCC: Courmayeur -Champex-Chamonix
98 km (5505 M D+/5690 M D-) à couvrir

 en moins de 26 heures.





Après de longs mois de préparation intensive en vue de participer à ce sommet mondial de l'ultra-trail de renommée internationale (51 nations et 5 continents représentés), François & moi arrivons à Courmayeur en Italie quelques jours avant le début de l'épreuve afin de s'acclimater à la haute montagne, tant au niveau de l'altitude qu'à la pratique de rla randonnée avec dénivelée importante.

Nous avons choisi la formule camping en tente individuelle afin de réduire les coûts de notre aventure sportive.


  Les tentes individuelles des deux compères.

Une randonnée qui nous conduit à 2700 M d'altitude au pied des premiers névés du célèbre mont aux neiges éternelles nous rappelle les dangers et difficultés de la haute montagne.  Au-delà de 2000 mètres, l'oxygène se raréfie, la respiration devient haletante et les pulsations cardiaques s'emballent.  Il faut également être très prudent sur ces sentiers parfois raides et techniques constitués de rocailles, l'entorse ou la chute guêtant le coureur à tout moment...
Le brouillard s'invite également lors de notre première ascension.  Nous limitons, intentionnellement notre ascension à 500 M de dénivelée positive au maximum.  Il s'agit de s'acclimater, pas de s'épuiser avant même le départ de la course.  Nous reproduisons ce schéma encore deux fois avant le jour J...
















Le mardi et le mercredi, de violents orages déversent pluies et vents sur notre bivouac.  Nos tentes individuelles (qui nous rappellent notre instruction militaire) sont un peu limites dans ces conditions climatiques... difficile de trouver un sommeil réparateur avec la pluie qui fouette la fine toile qui nous protège.  La météo nous annonce cependant une amélioration avec une hausse conséquente de la pression atmosphérique pour la veille et le jour de la course; wait and see...


                                  

Vendredi 28 août 2009 - 09h00.

Journée qui s'annonce sous ses meilleurs auspices: un soleil éclatant illumine le décor grandiose qui nous entoure.  La vallée d'Aoste a revêtu ses plus beaux atours.  Le Mont Blanc nous fait découvrir son blanc manteau.

Les 1800 coureurs présents sur la place de Courmayeur éternisent sur pellicule ces paysages de carte postale.
Le stress monte...les visages se crispent...
on peut lire sur ceux-ci toute l'inquiètude et l'appréhension qui précèdent une telle aventure.
L'heure tant attendue approche.
Les hymnes nationaux Suisse, Français & Italien sont joués.

Nous partons, François & moi nous placer dans cette cohorte d'aventuriers.
L'organisatrice nous rappelle les consignes de sécurité: "il va faire très froid cette nuit.  Des gelées sont attendues en altitude.  Ne vous arrêtez pas entre deux points de contrôle."


L'émotion envahit le peloton regroupé lorsque la cèlèbre musique de Vangelis résonne sur cette place bondée de spectateurs. 
  
Je regarde à droite, à gauche.  Les yeux sont rouges, des larmes d'émotion s'échappent.
"C'est pour partager des moments de cette intensité que l'on prend part à de telles épreuves, n'est-ce pas François ?"
Il faut le vivre!



NEVER STOP EXPLORING, la devise du sponsor principal de l'épreuve (The North Face) prend toute sa dimension: participer à ce défi n'est, pour la plupart des concurrents, non pas une compétition face à des adversaires, mais un dépassement de soi-même, une exploration et découverte intérieure, qui en finalité, doit nous permettre de franchir la ligne dans le temps imparti...


5,4,3,2,1... le départ est donné.



Nous franchissons l'arche de départ le corps entier de frissons.  Tout Courmayeur est à ses portes.  L'organisateur nous fait faire un tour d'honneur à travers la rue piétonne de la ville.  Des centaines de gens applaudissent le peloton sur son passage.  Commerçants, amis, riverains, tous veulent encourager les concurrents.

Dès Courmayeur, la route s'élève pour 16 kilomètres sans relâche.
C'est pour moi, le plus grand danger de cette course.  Se "griller" trop vite, brûler trop top ses cartouches...
De commun accord, François & moi décidons de ralentir très fortement l'allure, notre objectif à ce moment de course étant de franchir la "Tête de la Tronche" au 16ème kil. (2584 M) en moins de quatre heures.
Il fait déjà très chaud. Une fois "Plancipieux" passé (km 07), le peloton se mue en un long serpent qui se lance à l'assaut des sommets.  Il est impossible de dépasser dans ces monotraces qui ne nous quitteront pratiquement plus.  Les embouteillages sont fréquents, il faut parfois attendre plusieurs minutes avant de pouvoir avancer.  Nous en profitons pour ouvrir les yeux et admirer l'environnement qui nous est offert.  Le ciel est bleu azur, le soleil met en valeur cette richesse minérale qui se dresse devant nous.  Quel spectacle!  Le Mont-Blanc dans toute sa spendeur accompagné de cette "lave" blanche, cette écume qui se déverse sur son flanc.  Plein les yeux...

Refuge Bertone (km 12) - 1er ravitaillement (1728ème au classement).
Cela bouchonne toujours.  Tant pour y arriver que pour refaire le plein en liquide et solide avant de repartir dans la fournaise.

           







 





Refuge Bertone - 1er ravitaillement.

  

Nous sommes au pied de la "Tête de la Tronche". Tout en se désaltérant, nous observons le chapelet de concurrents qui serpente ce mont chauve.  Aucune végétation ne résiste à cette altitude.  Il va falloir grimper à son rythme sans se mettre dans le rouge...
D'autant que pour la deuxième fois cette semaine, à cette altitude, de violents maux de tête m'obligent à prendre du paracétamol.  L'effet de l'altitude associé à la chaleur, sans doute...
Nous commençons une longue ascension de quatre kilomètres.  Les paysages deviennent de plus en plus somptueux, mais que la pente est raide!
Nous franchissons enfin le sommet (2584 M) après quatre heures de course, comme prévu.
Ni trop vite, ni trop lentement.  Si ce n'est mes maux de tête, tout va pour le mieux.
La descente dans les premiers pierriers est très raide.  Je suis extrêmement prudent, conscient qu'une chute anéantirait déjà toutes nos chances de succès...
Quelques portions de sentiers moins abrupts nous permettent maintenant de maintenir un certain rythme en alternant course et marche rapide.  Nous franchissons de nombreux torrents qui dévalent des sommets.  Des vaches alpines de robe brun foncé nous regardent d'un air dubitatif.
Nous arrivons au refuge "Bonatti" à 14h55 (1727 ème).


Du coca, du thé & de la soupe nous sont proposés.  Je suggère à François d'ajouter beaucoup de sel (j'avais prévu un flacon de sel de table) dans la soupe pour suppléer les pertes en minéraux favorisées par la chaleur et éviter ainsi des crampes musculaires.
Déjà, certains concurrents sont affalés sur les bancs et les tables.  La course fait déjà du dégât...
Après avoir rempli gourdes et poches à eau, nous repartons en direction d'Arnuva (26ème kil. - 1769 M).  Du sommet de la tête de la Tronche, nous devons dévaler 815 mètres de dénivelée négative.  Les descentes sont très raides et mettent à mal quadriceps et tendons rotuliens.  Les sentiers sont constitués de nombreux lacets tracés dans la montagne.  Les chevilles ont mises très fortement à contribution également.  Beaucoup de coureurs profitent des torrents pour humidifier leur couvre-chef et se rafraîchir.  Nous faisons de même...
Nous arrivons tous deux à "Arnuva" à 16h03 (1664 ème position).  La première barrière horaire est fixée à 17h00 à cet endroit.  Nous possédons donc environ une heure d'avance sur la limite horaire.  Premier objectif réussi.

Dans l'ultra, conseil est donné de découper l'intégralité de la course en fractions plus abordables.  On se fixe un objectif plus réaliste et on progresse d'objectif en objectif sans penser à l'ensemble qui lui, semble souvent irréalisable.
C'est ainsi que notre prochain objectif est le grand col Ferret, un autre épouvantail situé au km 31 à 2537 M d'altitude.  Près de 300 mètres d'ascension seront nécessaires pour atteindre le refuge "Elena" qui signe le début de la montée vers le col.  Nous rejoignons deux concurrents belges de Rochefort que nous avions déjà croisés précédemment et échangeons quelques blagues entre nous.  Le soleil est maintenant moins mordant sur nos peaux et l'altitude nous apporte la fraîcheur tant espérée.  Il faut cependant s'hydrater régulièrement, même si la soif ne se fait pas ressentir, car la déshydratation nous guette en altitude...l'hypoglycémie aussi...
Il faut donc reconstituer ses réserves en glucose par la prise d'un gel toutes les demi-heures environ...
J'aperçois au loin les fameuses tentes "North Face" qui garnissent souvent les couvertures de magazines de course à pied qui font référence à l'UTMB.  Elles paraissent si proches alors qu'il nous faut un temps infini pour les atteindre!
Nous franchissons le col à 17h42 (1555ème position).


Nous venons également de franchir la frontière.  Nous sommes en Suisse, maintenant.  Un drapeau rouge orné d'une croix blanche marque l'entrée du territoire.  Les sentiers sont maintenant plus roulants.  J'en profite pour maintenir une allure de course à pied lente pour essayer de gagner du temps sur la prochaine barrière horaire qui est située au prochain ravitaillement à "La Fouly" au km 40 (1593 M).  François préfère maintenir son tempo et ne m'accompagne pas.  Pas de tracas, on se retrouvera au ravito.  Nous dévalons les pentes toujours abruptes sur "La Peule" au km 34 (2071 M).  Le sentier est maintenant beaucoup plus technique et est constitué de schistes très glissants.  La vigilance reste de mise d'autant que les parois sont vertigineuses.  La chute est proscrite dans ces passages délicats...

 Le soleil commence à se coucher doucement et il commence à faire frisquet en altitude.  J'arrive à "La Fouly" à 19h07.  Quelle cohue dans ce ravito...Pour remplir les poches à eau, trois bénévoles sont actifs avec des tuyaux d'arrosage...  Je perds un temps infini pour le remplissage de ma gourde avec des boissons énergétiques.  François me rejoint.
Nous allons nous rassasier en pain, fromage et saucisson.  Quel bonheur!  Une soupe chaude (toujours avec sel ajouté) vient compléter notre festin.  La deuxième barrière horaire était fixée ici à 20h15.  Nous avons toujours une heure d'avance...  Après une petite demi-heure d'arrêt, nous reprenons la route en direction de Champex-Lac.  D'abord une longue descente de 500 M de dénivelée négative vers Issert (km 50) où nous devons nous équiper de nos frontales, car l'obscurité ne nous permet plus d'avancer en sécurité.  Nous traversons le village d'Issert.  Les enfants ont installé des petits postes de ravitaillement et nous proposent gentiment de l'eau pour nous rafraîchir.  S'ensuit une longue montée vers Champex.  Nous devons impérativement arriver avant 23h20, 3ème barrière horaire.  Nous arrivons à l'important poste de ravitaillement à 21h58.  L'offre de ravitaillement est ici importante:pâtes, soupes, desserts,...  Nous en proftions pour nous restaurer, nous changer pour revêtir des vêtements secs et chauds pour affronter la longue nuit qui nous attend.  Nous changeons également les chaussettes et enduisons nos pieds de crème NOK anti-frottement.  En effet, tant François que moi souffrons d'ampoules sous les pieds...
Pour ma part, je m'équipe de mon fidèle MP3 qui va booster ma motivation tout le long de la nuit.
Nous repartons le long du lac de Champex en vue d'affronter la terrible montée de Bovine
 (km 64 -1987 M)
Les sentiers interminables serpentent en zig-zag à travers les mélèzes.  En file indienne et en silence, tous les concurrents gravissent ces pentes en laissant échapper parfois un "merd..." ou un mot du même tonneau que l'on devine en langue étrangère, quand le pied s'échappe, posé de manière instable sur un caillou fuyant...
A 01h00 du matin, nous atteignons Bovine dans le froid et le brouillard.  Je suis content de m'être équipé d'un sous-vêtement technique en dessous du maillot.
C'est un brouillard givrant et glacé qui nous accueille.
Heureusement, les bénévoles veillent à nous aux petis soins et ont allumé des feux de bois pour nous réchauffer et nous présentent des boissons chaudes revigorantes...

Près de 700 mètres de descentes à travers les sapinières sont au menu pour atteindre le prochain objectif: "Trient" au km 70 (1300 M) - barrière horaire fixée à 03h45 du matin.  Nous atteignons celui-ci à 02h45, soit pile une heure avant cette limite.  Décidément...
François atteint la barre psychologique des 70 km qu'il avait parcourue à la Saintelyon.  Nous sommes maintenant remontés à la 1193ème place.  Nous vons dépassé beaucoup de concurrents.  Beaucoup d'autres ont déjà rendu les armes également...

Nous passerons plus d'une demi-heure au ravitaillement...pas grave!
Notre moral est au zénith pour aborder ces 28 derniers kilomètres.
Nous repartons à l'assaut de l'antépénultième difficulté du jour: "Catogne" au km 75 (2011 M).  Le brouillard est de plus en plus présent, le froid également.  Nos frontales ont du mal à éclairer nos pieds.  Toujours ces montées en lacets interminables dans les conifères.  On comprend dans ces pentes toute l'utilité des bâtons qui permettent un appui supplémentaire sur les bras et qui apportent un soulagement tant apprécié  aux quadriceps meurtris...
Nous atteignons le sommet de Catogne à 04h52 du matin.  il nous faut maintenant descendre de 800 mètres pour atteindre la frontière française et sa barrière horaire située à Vallorcine, dans la vallée, à 07h00 du matin.



La descente vers la France se veut technique et piégeuse à souhait.
Racines, humidité, mauvaise visibilité, pierriers,...  La fatigue aidant, la simple marche relève déjà de l'exploit.  Il faut rester vigilant à tout instant pour éviter la chute vertigineuse...
Nous perdons énormément de temps dans cette descente (comme beaucoup d'autres...)
Nous arrivons à Vallorcine au lever du jour à 06h19 du matin à quarante minutes seulement de la barrière horaire.  Nous décidons de ne pas nous attarder au ravitaillement pour ne pas perdre de temps supplémentaire.
Il reste 18 kilomètres à parcourir dont une énorme difficulté: "La tête aux Vents" (2130 M).  Il n'est pas question de traîner.  Ce serait trop bête d'arriver hors délai après plus de 24 heures d'efforts surhumains...
Nous allons faire une belle ascension, reprenant 100 places jusqu'à l'arrivée à partir du Col des Montets.
Cette fois, pas de conifères, mais uniquement de la caillasse.  Parfois de longs escaliers de pierre à franchir avec des marches de plus de 40 centimètres...
Personnellement, j'ai retiré mons sous-vêtement technique pour aborder cette dernière difficulté.

Arrivé au sommet, le froid et le vent qui l'accompagne me glacent le corps.
Nous sommes sur un plateau caillouteux parcouru de sentiers plus ou moins plats.  Nous franchissons "La Tête aux Vents" à 08h51 en 1073ème position.  Je préfère laisser François seul à son rythme en accélérant un peu l'allure pour me réchauffer.  Tous les concurrents ont revêtu une veste technique de protection.  Nous sommes les seuls à garder notre unique maillot.  J'hésite vraiment à revêtir la mienne également, mais le rythme soutenu évite une éventuelle hypothermie.  Un concurrent tombe devant moi sur les rochers: plaies superficielles, pas de gros bobos, plus de peur que de mal, mais il faut rester concentré jusqu'au bout....
La dernière barrière horaire est située à "La Flégère" au km 90 (10h45).
J'y parviens à 09h33 suivi par François.  Toujours notre heure d'avance sur l'horaire: juste mais suffisant!
A partir de ce moment, nous savons tous deux que, sauf gros soucis, nous franchirons l'arrivée dans le temps imparti!
Il suffit d'être vigilant, de ne pas tomber en hypoglycémie, et de dérouler calmement jusqu'à Chamonix.


Dans la descente vers cette magnifique vallée française, le soleil accompagne nos dernières foulées.  Nous dépassons encore pas mal de concurrents.
Une connaissance, en séjour à Chamonix, vient à notre rencontre pour nous féliciter: bravo les gars, félicitations!
On commence à savourer.  Nous oublions ampoules, courbatures, muscles endoloris pour contempler le spectacle qui s'offre à nous.
Nous rejoignons un concurrent français qui nous explique que sa petite famille l'attend à l'arrivée.  Nous décidons de lui laisser l'honneur pour franchir en premier la ligne d'arrivée.
Il refuse.  Il désire achever en notre compagnie et terminer l'aventure en trio.
Quelle arrivée!  Il faut le vivre! La traversée de Chamonix sous les applaudissements de la foule présente!
Chair de poule...D'autant que l'arrivée est retransmise sur écran géant au centre ville...
On se congratule, on se jette dans les bras l'un de l'autre. 
Félicitations, on est arrivé!
On atteint le troisième C à 11 heures précises, après 25 heures d'efforts et de douleurs.
Juste une heure avant le temps limite...
Nous terminons respectivement à la 1042 & 1043ème place sur 1800 concurrents au départ.
15500 KCAL dépensées pendant ces 25 heures de course...
Objectif atteint!

Mes félicitations à mon ami & équipier François qui, par sa ténacité et son courage, dans les nombreuses sorties d'entraînement et en course, a terminé brillamment cet ultra-trail de renom.
Dans ce genre d'épreuve, le moral revêt plus d'importance que le physique.
Tu as su conserver la motivation et le dynamisme pour clôturer, ensemble, ce magnifique défi.
Merci.
Merci également aux organisateurs de la course et aux 1700 bénévoles présents sur l'ensemble des épreuves de cet UTMB toujours accueillants et souriants...
Et à bientôt pour une prochaine aventure...

NEVER STOP EXPLORING...

Eric, rapporteur.


    

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